Le « pâté kòde », ou « pate chodyè », est bien plus qu’une simple gourmandise en Haïti. Ce mets savoureux, apprécié par de nombreux Haïtiens, fait partie intégrante du quotidien et représente une source de revenus pour les petits commerçants. Réalisé à base de pâte feuilletée farcie de viande hachée, d’œuf dur, ou de poulet, puis frit dans l’huile chaude, le pâté kòde a su conquérir les papilles de toutes les classes sociales. Pour certains, il est devenu indispensable au petit-déjeuner, un rituel qui accompagne les écoliers, les travailleurs, et même les passants occasionnels.

À chaque coin de rue, aux abords des gares, devant les écoles et les églises, les marchandes de pâté kòde sont présentes, parfois jusque tard dans la nuit. Leur présence dans les grandes villes comme dans les zones rurales témoigne de l’engouement pour ce plat et de sa popularité indéniable. Ce commerce de rue est essentiel, en particulier dans une économie aussi informelle qu’en Haïti, où le secteur des petites entreprises assure la survie de nombreuses familles.
Pour beaucoup, le pâté kòde est une alternative économique aux repas dans les restaurants ou les fast-foods plus onéreux. Sa simplicité et son prix abordable en font un choix attractif, surtout pour les écoliers et étudiants. « Je suis souvent dans l’embarras pour servir les écoliers et étudiants très nombreux chaque matin », confie Darlene, une vendeuse installée à Pétion-Ville. Cette forte demande matinale est une source de satisfaction pour elle, mais aussi un indicateur de l’importance du pâté kòde dans les habitudes alimentaires de la jeunesse haïtienne.

Le commerce du pâté kòde n’est pas seulement lucratif pour les vendeurs, il est souvent le pilier économique de leur famille. Darlene, par exemple, raconte comment elle a pu, grâce à cette activité, subvenir aux besoins de son foyer : « Oparavan, m te konn vann fab, klowòks ak savon lave. Apre sa m vin chwazi vann pate », explique-t-elle. Aujourd’hui, elle assure pouvoir payer les frais de scolarité de ses enfants, participer aux cotisations communautaires (sol), et même investir dans la construction d’une maison.
Vendre des pâtés lui rapporte suffisamment pour couvrir les dépenses quotidiennes, ainsi que des frais imprévus. En moyenne, elle écoule 80 pâtés chaque jour, générant ainsi un revenu stable qui contribue au développement de son foyer. Comme Darlene, de nombreuses autres marchandes se sont tournées vers la vente de pâté kòde pour subvenir à leurs besoins. Ce commerce est devenu une alternative au chômage, offrant une source de dignité et d’indépendance.
Bien que lucratif, le commerce du pâté kòde n’est pas sans difficultés. Les conditions de travail pour ces vendeurs de rue sont précaires. Les trottoirs et places publiques, où ils s’installent, sont souvent dépourvus d’aménagements et exposés aux intempéries. Les vendeurs doivent également faire face aux autorités locales, parfois intransigeantes, qui tentent de réguler ou de restreindre l’utilisation de certains espaces publics.
Les questions de sécurité alimentaire sont également un enjeu. Sans équipements de réfrigération et souvent sans point d’eau potable à proximité, les vendeuses doivent trouver des moyens de maintenir une hygiène irréprochable pour éviter tout risque sanitaire. Toutefois, malgré ces contraintes, les marchandes trouvent des solutions ingénieuses pour préserver la qualité de leurs produits.
Le succès du commerce de pâté kòde illustre l’ingéniosité des Haïtiens dans un contexte économique difficile. En diversifiant leurs sources de revenus, beaucoup parviennent à améliorer leur quotidien, même face aux défis structurels. Les vendeurs de pâté kòde sont un exemple inspirant de cette résilience. Leurs témoignages montrent comment, avec peu de moyens mais beaucoup de détermination, ils contribuent à l’économie locale tout en offrant un service apprécié par tous.
Ce commerce est aussi un symbole de solidarité et de partage. Pour beaucoup de clients, acheter un pâté kòde est plus qu’un acte commercial, c’est aussi un geste de soutien envers ces petits entrepreneurs qui, jour après jour, affrontent la réalité socio-économique du pays.














