Perchée au nord-est de la baie de l’Acul, à quelques kilomètres du Cap-Haïtien, Labadie est souvent perçue comme un havre touristique, célèbre pour ses plages immaculées et son partenariat avec la Royal Caribbean International (RCI). Pourtant, cette presqu’île est bien plus qu’un décor de carte postale. Pour ses habitants, c’est un lieu de vie où traditions et modernité s’entremêlent, offrant une image plus complexe et authentique que celle véhiculée par l’industrie du tourisme.
Sabrina Petit Homme, originaire de Labadie, ne manque pas de rappeler que ce quartier est avant tout une communauté animée. « C’est ici que je suis née, que j’ai grandi. Labadie est bien plus qu’une destination touristique : c’est un espace où nous vivons, travaillons et célébrons nos traditions », dit-elle avec fierté.

La vie quotidienne à Labadie, loin des plages privées réservées aux croisiéristes, est rythmée par des activités simples mais essentielles : pêche, agriculture, marchés locaux. Les enfants courent sur les chemins en revenant de l’école, les familles se réunissent pour des cérémonies religieuses ou des fêtes traditionnelles, et les artisans sculptent le bois ou tissent des paniers, perpétuant un savoir-faire transmis de génération en génération.
Cette authenticité contraste avec l’univers cloisonné des infrastructures touristiques, où tout est conçu pour séduire des visiteurs étrangers. Depuis 1985, la RCI exploite ce coin de paradis, attirant chaque année des milliers de croisiéristes. Pourtant, la majorité des habitants de Labadie ne bénéficie que marginalement des revenus générés par cette activité. En dehors des murs qui séparent la zone touristique des villages environnants, l’impact économique reste limité.

Pour Sabrina et beaucoup d’autres, cette séparation soulève des questions sur le modèle de développement adopté. Si le tourisme est une opportunité, il pourrait devenir un levier plus inclusif, capable de valoriser la richesse culturelle de Labadie tout en soutenant directement ses habitants. Permettre aux visiteurs d’explorer les villages, de rencontrer les artisans ou de participer à des activités locales pourrait non seulement renforcer les retombées économiques, mais aussi briser les barrières entre deux mondes qui cohabitent sans réellement se rencontrer.

Malgré ces défis, Labadie reste un symbole de résilience et de fierté. Ses habitants, profondément attachés à leur identité, continuent de préserver leurs traditions et leur culture, même face aux changements imposés par le tourisme de masse. Pour eux, Labadie n’est pas qu’une destination, c’est une manière de vivre, un héritage à transmettre, un endroit où la solidarité et la créativité permettent de surmonter les épreuves.
Alors que la région attire l’attention internationale par son potentiel touristique, elle rappelle aussi que le véritable trésor de Labadie réside dans sa communauté. Ce quartier vibrant, bien au-delà de ses plages paradisiaques, incarne l’esprit d’une Haïti à la fois riche de son passé et tournée vers l’avenir.
