Renette Désir, connue sous le nom de Netty, est l’une de ces artistes rares dont la voix traverse les frontières, les époques et les épreuves. Chanteuse à la fois enracinée dans les traditions musicales haïtiennes et tournée vers les sons du monde, elle incarne un art exigeant, profondément humain, toujours en évolution.
Comme beaucoup de talents haïtiens, Netty fait ses premiers pas dans la chorale de son église, où elle apprend le solfège et développe sa rigueur musicale. Elle intègre ensuite l’académie de musique Vision Nouvelle, où elle approfondit sa formation classique, notamment par l’apprentissage du violon. Elle rejoint la chorale Teknonvox, qui devient son premier tremplin public. Sa voix singulière — à la fois puissante, maîtrisée et émotive — ne tarde pas à séduire.
Imprégnée par les chants évangéliques, Netty s’ouvre aussi très tôt à d’autres genres : le reggae jamaïcain qui résonne dans la maison familiale, les rythmes folkloriques haïtiens qu’elle découvre à travers la danse, et plus tard, la musique savante. Autant d’influences qui nourrissent un style musical unique, personnel, inclassable.
La rencontre avec l’écrivain Jean Claude Martineau marque un tournant majeur : il devient le compositeur attitré de ses chansons. Dès lors, Netty se produit en Haïti comme à l’international. En 2009, elle est invitée au Marché International du Noël Tropical au Parc de la Villette à Paris. Sa présence scénique et la justesse de ses interprétations font rapidement d’elle une artiste de référence pour le Ministère de la Culture et pour le Ministère à la Condition Féminine.
Le séisme du 12 janvier 2010 bouleverse la vie de la chanteuse : coincée sous les décombres de son université pendant 24 heures, elle en réchappe. Quelques semaines plus tard, elle est appelée par la Ministre de la Culture pour chanter en mémoire des femmes victimes du cataclysme. C’est aussi le compositeur Pierre Rigaud Chéry qui lui confie « Yon ti chante pou yo », un titre poignant devenu l’un des premiers hymnes post-séisme, symbole d’une nation blessée mais debout.
Peu après, elle intègre une délégation artistique envoyée en Belgique, où elle se produit lors de soirées de solidarité. Cette tournée lui vaut une bourse d’études à l’AKDT (Libramont), une école renommée en arts de la scène. Elle y brillera au point de devenir professeure.
En 2013, aux côtés du pianiste belge Fabian Fiorini, elle fonde le projet Désir Fiorini : une expérience musicale et politique qui explore l’histoire coloniale à travers des adaptations de textes puissants comme Strange Fruit de Billie Holiday ou Cortez the Killer de Neil Young. Le duo se produit en France, Belgique, Guyane, et récemment au festival international de jazz de Port-au-Prince.
« Désir Fiorini est une musique savante, qui demande du temps, de l’écoute, et un public averti, » explique-t-elle. Mais elle le dit sans détour : « M pa kanpe, m pa t janm kanpe. » Netty ne s’est jamais arrêtée. Elle affine sa voix, approfondit son art, et élargit son message.
Dans ses chansons, elle aborde des thèmes universels : l’amour, les enfants, les femmes, les rêves et les blessures d’Haïti. Ambassadrice du programme « Konbit kenbe tèt ou kraze bèt ou » du Ministère de la Jeunesse, Netty continue d’incarner la voix d’une Haïti digne, résistante, en création constante.