Nous vivons immergés dans les humeurs de ceux qui nous entourent, sans toujours mesurer à quel point elles influencent la nôtre. Lorsque notre quotidien est peuplé de personnes qui ne perçoivent que l’échec, la trahison ou la malchance, une lente alchimie s’opère en nous. Sans qu’on s’en rende toujours compte, cette exposition répétée use notre résistance psychique et déteint sur notre vision du monde.
La négativité est une onde silencieuse qui traverse les relations. Elle ne se contente pas de susciter de la compassion ou de l’agacement elle s’infiltre. À force d’entendre un discours marqué par le regret, la crainte ou l’amertume, notre propre mental commence à emprunter ces chemins. On se surprend à anticiper le pire, à douter de nos envies, à interpréter un geste anodin comme une offense. L’enthousiasme devient plus difficile à trouver, comme si un filtre gris venait d’être déposé sur nos yeux.
Ce phénomène n’est pas qu’une impression : il s’ancre dans notre corps. La chronicité des plaintes, des projections anxieuses ou des jugements sévères active en nous un stress sourd. On se sent fatigué sans raison, irritable, moins patient. Parfois, on éprouve même une forme de culpabilité celle de ne pas parvenir à “sauver” l’autre de sa propre noirceur, ou pire, celle de ressentir une lourdeur qui n’est pas entirely la nôtre.
Peu à peu, sans qu’un conflit n’éclate, le lien lui-même peut devenir étouffant. On évite les appels, on reporte les retrouvailles, on choisit le silence plutôt que de risquer une nouvelle conversation drainante. C’est ainsi que la présence des autres, quand elle est trop souvent teintée d’obscurité, peut nous isoler malgré nous et altérer en profondeur notre équilibre.
Protéger sa santé mentale ne signifie pas fuir toute détresse ou exiger des proches qu’ils soient perpétuellement rayonnants. Mais cela suppose d’apprendre à discerner et parfois, à mettre à distance les sources de poison psychique. Cultiver délibérément des espaces de légèreté, des relations resourceantes, des silences régénérants n’est pas un luxe : c’est une nécessité pour qui veut continuer à avancer sans porter le poids de ceux qui ont choisi de rester dans l’ombre.
Parce qu’on ne peut allumer une bougie avec une autre qui s’est éteinte. Prendre soin de sa lumière intérieure est donc aussi un acte de lucidité et de respect envers soi-même.
