Bienvenue!

Beken, la voix des oubliés d’Haïti

Beken, grand musicien carrefourois, a laissé une empreinte profonde dans la musique haïtienne. Son nom ne sera jamais effacé, car sa voix, ses textes, sa guitare ont porté, mieux que bien des discours, la douleur, la dignité et l’espoir de tout un peuple. À lui seul, il a immortalisé le mode de vie de nombreux Haïtiens confrontés à la misère, à l’exclusion, à la dureté d’une existence sans répit.

Né à Carrefour en 1956, Jean-Prosper Dauphin, plus connu sous le nom de Beken, est un artiste autodidacte. Guitariste, compositeur, chanteur, il a grandi dans une famille modeste. Son père, artisan dans la peinture de voitures et la toilerie, ne lui a transmis aucun héritage musical. Pourtant, malgré l’absence de modèle, malgré les obstacles, Jean-Prosper a trouvé sa voie – ou plutôt, sa voix. Un terrible accident de la route à l’âge de douze ans l’a privé d’une jambe, mais pas de sa volonté. Cette épreuve n’a fait que renforcer sa sensibilité, sa lucidité, et sa capacité à traduire les douleurs intimes et collectives en poésie musicale.

À quinze ans, il commence à se faire une place dans la scène musicale haïtienne. Il faudra du temps pour que le grand public reconnaisse la force de son œuvre. Car Beken ne fait pas de la musique pour plaire. Il chante pour témoigner. Sa voix traînante, triste, mais enchanteresse, caresse l’oreille comme un cri doux. Elle parle d’injustice, de pauvreté, de la condition des handicapés, de la vie des exclus. Dans un pays souvent aveugle à sa propre douleur, Beken ose la nommer. Et c’est ce qui fait de lui un artiste unique, essentiel.

Aucun mélomane haïtien ayant traversé les années 80 ou 2000 ne peut ignorer ses chansons comme Tribilasyon, Fanm Se Kajou ou Anbisyon. Ces titres sont devenus des classiques, des morceaux de mémoire collective. À travers eux, Beken peint la vie haïtienne avec une honnêteté rare. Il parle pour ceux qui n’ont pas de voix, pour les oubliés des villes et des campagnes, pour ceux qu’on croise sans jamais vraiment voir.

En 2010, le tremblement de terre qui a ravagé Port-au-Prince détruit sa maison. Le voilà sans abri, comme tant d’autres. Mais c’est justement dans la rue, sur la place Saint-Pierre, qu’il rencontre le destin. Simon Romero, journaliste au New York Times, tombe sur lui par hasard. Fasciné par sa musique, il publie un portrait vibrant dans l’édition du 4 mars. Le monde découvre alors cette voix cassée venue d’Haïti. Des journalistes venus du Japon, du Brésil, d’ailleurs, cherchent à le rencontrer. Beken, après tant d’années dans l’ombre, entre dans la lumière. Et avec lui, ce sont les histoires de tout un peuple qui résonnent enfin à l’échelle internationale.

Aujourd’hui, sa musique circule, touche, accompagne. Dans les instants de solitude, dans la nostalgie de l’exil, dans la lutte du quotidien, les chansons de Beken apaisent, éveillent, redonnent courage. Que l’on soit boat people, handicapé, marginal ou simple amoureux de la vérité, on trouve en lui un frère, un miroir, un poète.

Beken a tout peint dans ses chansons. Il a dit l’indicible. Et il l’a fait avec une guitare, une voix et une sincérité absolue. Écoutez-le, et vous entendrez battre le cœur d’Haïti.RéagirRépondre

‘pl

De la même catégorie