Pétion-Ville. Un 16 octobre 1976. Dans un quartier populaire de cette commune naît Jamecy Alex Pierre, celui que la scène musicale haïtienne allait connaître et célébrer sous le nom de Black Alex. Issu d’un milieu modeste, il grandit au rythme des sons latins venus de Cuba et de la République dominicaine, mais aussi au cœur des rues de Pétion-Ville, qui furent son premier terrain d’expression.
À 18 ans, son destin bascule lorsqu’il est remarqué lors d’une prestation improvisée aux côtés de Michel Martelly, alias Sweet Micky, sur la place Boyer. Cette apparition marque le début d’une carrière fulgurante. Repéré par Fred Lizaire, il intègre en 1994 le groupe King Posse, pionnier du rap créole et du ragga en Haïti. Avec cette formation, Black Alex signe des morceaux devenus emblématiques : « Lokal », « Zanmi », « Sa Ou We », « Diana », ou encore « Abandone ». Ces titres feront vibrer les carnavals et imposeront King Posse comme une référence incontournable.
Black Alex se distingue rapidement par une voix unique et une capacité d’improvisation rare. Spontané, brut, profondément émouvant, il incarne l’authenticité. Ses pairs le surnomment « Original Black Alex ». Philippe « Pipo » Saint-Louis, figure reconnue du milieu musical, dira de lui qu’il fut « l’un des chanteurs les plus authentiques de l’histoire de la musique haïtienne ».
Après la dissolution de King Posse, il poursuit sa route en solo. On le retrouve sur plusieurs merengues de carnaval, collaborant avec Mizik Mizik, Carimi ou encore Ralph Papillon. Il intègre ensuite le groupe Afouna, sans toutefois retrouver l’aura médiatique des années King Posse. Mais Black Alex ne s’arrête pas là : en 2012, il surprend en révélant son talent de peintre. Ses toiles abstraites exposées au Canada, à la Galerie haïtienne de Montréal, montrent un artiste polyvalent, en quête permanente d’expression.
Cependant, les dernières années de sa vie sont marquées par la maladie. Victime d’une pneumonie en 2012, il voit sa santé décliner. En 2015, affaibli, il se rapproche de l’Église Shalom Tabernacle de Gloire dans une démarche spirituelle. Mais le 13 novembre de la même année, à seulement 39 ans, il s’éteint à l’Hôpital de la Communauté Haïtienne, à Pétion-Ville.
Ses funérailles, célébrées le 27 novembre à l’église Saint-Pierre de Pétion-Ville, rassemblent de nombreuses personnalités, dont le président Michel Martelly et la première dame Sophia Martelly. Le Ministère de la Culture salue alors « un talent créatif irremplaçable », rendant hommage à celui qui a marqué d’une empreinte indélébile la musique haïtienne.
Dix ans après sa disparition, la voix de Black Alex continue de résonner. Ses morceaux, toujours joués lors des carnavals, rappellent l’énergie, la fougue et l’authenticité d’un artiste qui, parti trop tôt, demeure un symbole pour les générations futures.
Black La n’était pas seulement un chanteur : il était un cri, une présence, une vérité mise en musique. Et c’est ainsi qu’il restera dans la mémoire collective.
