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En Haïti , des marchés publics sont transformés en une deuxième résidence pour des marchands de rue.

Chaque jour, des marchands prennent place dans les marchés publics haïtiens, passant la plupart de la journée dans des espaces de vente fermés, exigus, peu attrayants, parfois précaires. Certains vendeurs les transforment en une deuxième résidence, faisant de ces marchés publics, répartis dans l’aire métropolitaine, des lieux de partage, d’échange, de discussions, de commérage, mais surtout, leur lieu de travail.

À Pétion-ville, au petit coucher du soleil le lundi 15 janvier, les rues Villate, Dr Aubry et Morne Badet étaient animées. Les bruits ronflants de moteurs surchauffés, le son cacophonique des klaxons des voitures et les motards indisciplinés animaient les rues. De leur côté, les marchands étalaient leurs marchandises sur les trottoirs, parfois à même le sol, entravant la circulation des passants. L’observation de la configuration de l’espace suscite la curiosité et l’admiration. Dans cette répartition de l’espace public, où les gens se côtoient, volontairement ou non, tout y est. Les marchands expriment leur frustration, font preuve d’hospitalité, respectent les règles de bienséance, avec une diversité de couleurs. Les acheteurs jouent habilement, les marchands ambulants circulent dans tous les sens, et le va-et-vient des passants crée un mélange dynamique. Ces espaces transformés pour des besoins spécifiques sont de véritables lieux de rencontre qui définissent le quotidien de plus d’un.

À l’angle de la rue Villate et de Louverture, Marthe, derrière son étal, s’apprête à fermer son grand parasol, comme pour annoncer le crépuscule du soir. Visiblement à l’aise, la jeune dame échange les prix de ses légumes aux dernières heures de la journée, alors que Marthe est présente depuis 7h du matin. « Je me suis installée ici à cette place vers 7h. Il est presque nuit, malgré tout, je ne m’ennuie guère », avoue-t-elle. Cordiale et confiante, la revendeuse affirme ne pas avoir trop de difficultés avec ses affaires, même si elle craint les accidents de la circulation ou l’intervention intolérante des agents de la mairie de Pétion-ville. Selon elle, la rue est sa deuxième maison, où elle effectue diverses activités, même intimes, derrière son parasol.

À quelques 50 mètres de Marthe, une jeune fille s’est fait une place dans le marché des rues à la rue Villate. « Lari a rele m Chè mèt, chè mètrès », s’éloge-t-elle. Dans ses propos, se cache une dame courageuse, fière et rassurante de son activité. « La rue, c’est le salon du peuple. Personne ne pourra nous empêcher de l’occuper », ajoute-t-elle. Julia, de son nom d’emprunt, évite les disputes et les commérages de voisinage en passant plus de temps loin de sa maison. « Nan lari a, mwen an pè. Menm si m pa fè gwo kòb, men mwen evite kont ak tripotay. Menm si m konnen gen tout kalte moun nan lari a », relate Julia, soulignant que même pour ses besoins primaires, tout se gère promptement. « Depi w abitye achte nan gwo biznis yo, tout pèsonèl la rekonèt ou, anyen pa deranje ». Selon Julia, des marchandes et clientes des entreprises de la place font usage des toilettes pour leurs besoins nécessaires et urgents.

Au marché “Tèt dlo”, des marchands louent des abris à des prix dérisoires pour sauver leurs nuits. Dans les contours de ce marché situé à la rue Grégoire, Pétion-Ville, des maisonnettes sont construites pour répondre aux demandes des marchands. Ces habitats précaires, situés au bord d’un ravin exposé aux risques naturels, sont loués à des prix variés mais dérisoires. Mickerlange, vendeuse de légumes depuis plusieurs mois, a dû prendre du temps pour s’adapter à cette vie. « Dans ce marché, le luxe n’existe pas. On est tous des “degajèz”, profitant des circonstances pour gagner notre vie », explique Micker.

Au cœur du ravin, se situe le marché, attaché au pied d’une montagne où s’entassent les maisonnettes, répondant aux besoins des marchands.

Chaque marchand peut trouver un espace pour dormir, mais un même espace peut accueillir plusieurs marchands. Ces espaces sont loués à 75 gourdes pour le sommeil, 50 gourdes pour le bain et 50 gourdes pour les toilettes », détaille Mickerlange, vendeuse de légumes. À “Tèt dlo”, les marchandes surveillent tout, se querellent, se disputent, s’entrechoquent et se réconcilient. « Se yon lòt lavi, nan yon lòt kay », concède Mickerlange.

Depuis le séisme du 12 janvier 2010, les rues de Port-au-Prince et de ses environs, en particulier à Pétion-ville, sont devenues des espaces où la vie des marchands ambulants se déroule. Jonchées d’ordures, la ville de Pétion-ville dégage une atmosphère économique nauséabonde. Autrefois, le marché de Croix-des-Bossales était le principal lieu d’affluence pour les marchands, acheteurs, passants, etc. À présent, ce sont les marchés de rue de Pétion-ville qui attirent non seulement la grande foule, mais qui jouent également le rôle de deuxième résidence pour plusieurs marchands.

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