C’est par une simple publication sur les réseaux sociaux que tout a commencé. « Et si on organisait un dîner Makaya, est-ce que vous viendriez ? » La réponse, immédiate et enthousiaste, a lancé le mouvement. « Wi, fè’l ! » ont répondu des centaines de personnes, marquant le début d’une série de rendez-vous culturels et spirituels d’un genre nouveau.

Le premier dîner, dédié à l’esprit Makaya, a surpris par son ampleur. Bien au-delà d’une cérémonie traditionnelle, il s’est imposé comme un acte de réappropriation identitaire. Makaya, symbole de la nature et des racines Kongo, a été célébré dans une ambiance à la fois respectueuse et vivante, autour de mets traditionnels, de rythmes de tambour et d’une assistance résolument engagée.

Mais c’est avec le dîner dédié à Freda que le concept a véritablement pris son envol. Dans un espace spécialement aménagé pour l’occasion, les participants, vêtus de blanc et de rose en hommage à l’élégance de Freda, ont pris part à une journée à deux temps : recueillie le matin, festive le soir. Vodou-jazz, sets DJ, performances musicales… L’événement a drainé des personnes venues des quatre coins d’Haïti, unies par une même volonté : honorer les esprits avec fierté.

Samedi dernier, c’est Erzulie Dantor qui était à l’honneur. Figure majeure du panthéon vodou, elle incarne la protection, la résistance et la force maternelle. Les organisateurs ont souhaité mettre en lumière le rôle central des esprits féminins, souvent invisibilisés, et rendre hommage à leur puissance à la fois guerrière et nourricière.
La soirée a été marquée par une atmosphère de grande dignité. Les tenues, soignées et symboliques, les décors riches en détails visuels, la musique mélangeant tambours traditionnels et créations contemporaines : chaque élément avait été pensé pour briser les clichés associés au vodou. « Tout moun te bèl. Tout moun te byen abiye », souligne Bilolo Kongo, initiateur de ces rencontres.
Le vodou est une spiritualité vivante, structurée, profondément ancrée dans l’histoire et la culture haïtienne. Loin des représentations folkloriques ou effrayantes, ces dîners en montrent un visage raffiné, exigeant et résolument moderne.

Alors que résonnaient les derniers rythmes de la soirée en l’honneur d’Erzulie Dantor, une nouvelle édition était déjà annoncée. Prochain rendez-vous : Gede, esprit emblématique de la mort et de la renaissance, souvent associé à l’humoir et à la vitalité. Un hommage attendu aux ancêtres et aux héros de l’indépendance.
Avec ces rendez-vous réguliers, c’est une véritable renaissance culturelle qui s’amorce. Le vodou, trop souvent caricaturé ou instrumentalisé, retrouve peu à peu sa place non comme un vestige du passé, mais comme un pilier de la reconstruction identitaire et de la fierté haïtienne.