Le court métrage Cœur Bleu, du cinéaste haïtien Samuel Suffren, a été sélectionné pour la 78e édition du prestigieux Festival de Cannes, dans la catégorie « Quinzaine des Cinéastes ». Ce film, qui vient clore une trilogie centrée sur la migration, sera projeté entre le 13 et le 24 mai 2025, plaçant ainsi Haïti sous les projecteurs de l’une des plus grandes scènes cinématographiques mondiales. Cette sélection constitue une reconnaissance majeure pour le travail de Suffren, dont la démarche artistique explore avec profondeur la réalité haïtienne souvent méconnue du grand public international.
Pour le cinéaste, cette reconnaissance est également un hommage personnel à son père, figure centrale de son inspiration. « Quand j’ai su que le film était sélectionné à Cannes, j’ai dit : Oui, papa, on l’a fait », a déclaré Samuel Suffren, en évoquant le rêve américain inachevé de son père. Plus qu’une consécration individuelle, cette participation à Cannes représente, selon lui, une opportunité pour montrer une autre facette d’Haïti : une Haïti intime, humaine, loin des clichés véhiculés par les médias. Par son œuvre, le réalisateur souhaite offrir des images qu’il aurait aimé voir dans sa jeunesse, des récits de vie porteurs de dignité et d’émotion.
La trilogie de Suffren, entamée avec « Agwe » et poursuivie avec « Des rêves en bateaux papiers », s’attache à explorer la migration à travers différents regards. Chaque film relate les bouleversements familiaux engendrés par le départ de l’un des membres du foyer. Si « Agwe » donne la parole à une mère restée avec son enfant pendant que le père migre, « Des rêves en bateaux papiers » inverse les rôles en présentant un père resté seul avec son enfant après le départ de la mère. Enfin, « Cœur Bleu » clôt la trilogie en se concentrant sur les parents âgés confrontés à l’absence prolongée de leur fils, parti aux États-Unis.
Le synopsis de « Cœur Bleu »évoque le quotidien silencieux mais lourd de sens de Marianne et Pétion, un couple du Cap-Haïtien, dont la vie est rythmée par l’attente et l’incertitude. Chaque appel espéré, chaque silence prolongé accentue leur désillusion face au rêve américain. Inspiré de l’histoire personnelle du réalisateur, ce film offre un regard sensible sur la migration en abordant les émotions de ceux qui restent. Avec cette œuvre poignante, Samuel Suffren réussit à transformer la douleur de l’absence en un cri artistique universel, désormais entendu sur les marches de Cannes.