Connaissez-vous le tambour assotor ? Alors dans l’univers mystique et profondément enraciné du vodou haïtien, il occupe une place sacrée. Ce tambour monumental, à la fois instrument de musique et vecteur de spiritualité, incarne la voix des loas, les esprits du panthéon vodou. Son rythme profond, grave et enveloppant, agit comme un pont entre les vivants et les invisibles. Ce n’est pas un simple instrument : c’est une entité à part entière, respectée, honorée, et même « nourrie » dans certaines cérémonies.
Jacques Roumain, écrivain, ethnologue et fervent défenseur de la culture populaire haïtienne, a toujours témoigné une admiration particulière pour le tambour assotor. Dans ses écrits, il l’évoque comme un symbole de la résistance culturelle, un écho de l’Afrique en terre haïtienne. Pour Roumain, l’assotor n’est pas seulement un tambour ; il est le cœur battant du peuple, un outil de mémoire et de cohésion.
Utilisé principalement dans les cérémonies rituelles du rite Rada, l’assotor est joué à l’aide de baguettes et soutenu par d’autres tambours plus petits qui l’accompagnent. Mais lui seul, par sa taille et sa puissance sonore, marque le ton de la cérémonie, donne le rythme aux danses, et appelle les loas à descendre. C’est l’assotor qui soutient la transe, qui porte la prière du tambourineur vers l’au-delà.
Son importance va au-delà du religieux. Il est également un symbole de la dignité noire, un témoin des luttes du peuple haïtien pour préserver ses racines africaines malgré les siècles d’esclavage, de colonisation et de rejet. Roumain, à travers ses recherches et son œuvre littéraire – notamment dans Gouverneurs de la rosée – met en lumière cette Haïti profonde, fière de ses traditions, dont le tambour est un pilier.
Aujourd’hui encore, dans les lakou, les péristyles ou les grandes cérémonies nationales, le tambour assotor continue de vibrer. Il rappelle à chaque battement qu’Haïti est une terre de spiritualité, de culture et de combat. Et dans ce combat, la mémoire de Jacques Roumain demeure, lui qui avait compris que le tambour n’est pas seulement musique, mais message, mémoire et puissance ancestrale.
