Simbi est l’un des loas les plus mystérieux et insaisissables du panthéon vodou haïtien. Esprit des eaux douces, des sources, des rivières, mais aussi de la connaissance, des communications et de la magie, il échappe aux définitions simples. Présent à la fois dans la forêt, dans les courants discrets des ruisseaux et dans les profondeurs de l’esprit humain, Simbi se manifeste là où le visible bascule dans l’invisible.
Sa nature est double, voire multiple. Simbi peut être solitaire et silencieux comme un filet d’eau au creux d’un bois, ou vif et agité comme une cascade en saison des pluies. Il est le maître des secrets et de la transmission des savoirs cachés. Les initiés le respectent pour sa capacité à ouvrir les chemins de la divination, à transmettre les messages de l’au-delà et à maîtriser les forces subtiles qui lient les mondes.
Dans les cérémonies vodou, Simbi est souvent associé aux rituels de connaissance, de guérison et de sorcellerie. Il est invoqué pour guider les houngans et mambos dans l’apprentissage spirituel ou dans les moments où des décisions profondes doivent être prises. Sa présence se fait sentir à travers les signes, les rêves, les frissons, les silences soudains dans la nuit. On le sert avec prudence, humilité, et attention.
Les offrandes qui lui sont destinées reflètent sa finesse et sa complexité : de l’eau de source, du rhum mélangé à des herbes, des feuilles vertes, du miel, parfois du lait. On le retrouve souvent près des fontaines, des puits ou des marécages, ces lieux de passage entre mondes. Il aime les couleurs vertes, parfois le bleu ou le blanc, selon ses nombreuses incarnations.
Simbi n’est pas un seul esprit, mais une lignée de loas portant le même nom. On distingue plusieurs formes de Simbi, comme Simbi Dlo (Simbi de l’eau), Simbi Makaya (associé à la magie du pays Congo), ou Simbi Andezo (Simbi entre deux eaux), chacun avec son caractère et sa fonction. Certains sont bienveillants, d’autres plus rudes, mais tous ont un lien avec l’intelligence, la science secrète et le mouvement fluide de l’esprit.
Dans le syncrétisme religieux haïtien, Simbi est parfois rapproché de saint Jean-Baptiste, le prophète du désert et des eaux. Mais sa figure dépasse de loin les frontières chrétiennes. Il est l’écho de traditions africaines profondes, notamment issues du Congo, qui ont traversé l’océan avec les ancêtres réduits en esclavage. À travers Simbi, ces mémoires survivent, se métamorphosent et continuent d’irriguer la culture haïtienne.
Simbi fascine parce qu’il ne se laisse jamais entièrement saisir. Il glisse entre les doigts comme l’eau, change de forme, parle par symboles et murmures. Il représente l’intelligence en mouvement, la parole sacrée, le lien vivant entre la nature et la sagesse spirituelle. Dans un monde bruyant, Simbi invite à écouter ce qui coule en secret sous la surface, à suivre les sentiers de l’eau pour mieux comprendre les chemins de l’âme.
