Ce week-end, à l’impasse Reneaud, dans la zone populaire de Maïs Gâté, une scène inhabituelle a attiré les regards, les sourires et, surtout, les cœurs. Loin des bruits d’angoisse qui résonnent trop souvent dans les rues de Port-au-Prince, c’est une musique joyeuse, portée par les platines de DJ passionnés, qui a fait vibrer les murs. Le quartier s’est métamorphosé l’espace de quelques heures grâce à une initiative aussi simple qu’ingénieuse : le Body Wash, orchestré par Peggy Terzena.
Ce nom, emprunté à la fraîcheur, cache une idée lumineuse : offrir un moment de détente collective à une communauté souvent mise à rude épreuve. Sur fond de mousse jaillissant sous les cris d’enfants excités, de jeunes dansant sous les gouttelettes, et d’adultes retrouvant un peu de légèreté, l’ambiance était celle d’une rare insouciance. On lavait plus que les corps : on rinçait les soucis, on nettoyait les esprits.

La formule a séduit : de la musique entraînante, des jets d’eau improvisés, des éclats de rire, mais aussi une petite foire de stands improvisés. On y trouvait de quoi se désaltérer, grignoter, acheter quelques articles, tout en profitant d’un moment partagé. Loin d’un simple divertissement, cette initiative a pris des allures d’événement communautaire, mêlant loisir et activité économique. Une micro-bulle de vie dans un contexte national souvent étouffant.
Steeve Hérode, un habitant de la zone, observait la scène avec un sourire large :
« James, men peyi nèg yo vle kraze a wi… Men, gade kijan nou ka mete lavi toujou. »
Sous-entendu : malgré tout ce qu’on veut nous faire croire, il y a encore de l’énergie, de la créativité, de la beauté dans ce pays.

L’impact était visible, palpable. Des familles entières sont venues, parfois timidement, puis se sont laissées gagner par l’ambiance. Des adolescents ont pu s’exprimer par la danse, des commerçants ont trouvé quelques clients, et surtout, chacun a retrouvé un peu de lien social.
Face à l’engouement suscité, Peggy Terzena ne cache pas son envie de pérenniser le projet :
« Ce qu’on a vu ici aujourd’hui, c’est plus qu’un événement. C’est un besoin. Et si les moyens suivent, on fera de ce Body Wash un rendez-vous chaque fin de semaine. »
Offrir un espace sécuritaire, inclusif, vivant : voilà l’ambition qui se dessine derrière les bulles de savon. Une vision qui repose sur la volonté d’ouvrir une parenthèse de bonheur au sein d’une réalité souvent pesante.
À Maïs Gâté, ce samedi-là, il n’y avait ni discours politique, ni slogans. Il y avait juste de la mousse, de la musique et des regards qui brillent. Comme une preuve que parfois, pour faire du bien, il suffit d’oser commencer petit.
Et dans ce petit coin de ville, on se surprenait à croire que tout n’est peut-être pas perdu.















