L’agriculture constitue depuis toujours le cœur battant de l’économie haïtienne. Pourtant, lorsqu’on évoque aujourd’hui la question de l’agriculture durable dans ce pays, la réponse est loin d’être simple. Entre les défis environnementaux, économiques et sociaux, Haïti se trouve à la croisée des chemins : continuer un modèle agricole épuisant ou s’engager résolument vers des pratiques plus respectueuses et durables.
Pendant des décennies, l’agriculture haïtienne a reposé sur des méthodes traditionnelles, souvent peu adaptées à la protection des sols et des ressources naturelles. L’usage intensif des terres sans rotation des cultures, le défrichement massif pour la culture sur brûlis et la pression démographique ont conduit à une déforestation alarmante, une érosion accélérée et une dégradation générale des terres agricoles. Aujourd’hui, près de 90 % des surfaces agricoles en Haïti sont considérées comme dégradées, rendant la productivité extrêmement faible et mettant en péril la sécurité alimentaire de millions d’Haïtiens.
Malgré ce tableau sombre, des initiatives positives émergent. De petites exploitations, des ONG locales et internationales ainsi que certains projets gouvernementaux tentent d’introduire les concepts de permaculture, d’agroforesterie, de reforestation agricole et de techniques de conservation des sols. La promotion de cultures associées pour enrichir le sol, l’introduction de variétés résistantes au changement climatique, l’installation de systèmes d’irrigation goutte-à-goutte ou encore la sensibilisation à l’agriculture biologique montrent qu’une transition vers une agriculture plus durable est possible, même dans un contexte aussi difficile.
Cependant, plusieurs obstacles freinent l’essor d’une agriculture durable en Haïti. Parmi eux, la faiblesse de l’encadrement technique pour les agriculteurs, le manque d’accès au financement, l’instabilité politique, l’insécurité foncière et la vulnérabilité face aux catastrophes naturelles. Sans une volonté forte des autorités et un appui massif à l’éducation agricole, les efforts isolés resteront insuffisants pour transformer profondément le secteur.
Parler d’agriculture durable en Haïti aujourd’hui, c’est reconnaître qu’elle est encore à ses balbutiements. Mais c’est aussi constater qu’une prise de conscience existe, portée par une jeunesse agricole, des paysans innovants et de multiples partenaires de développement. Pour espérer une véritable transition, Haïti devra investir dans l’éducation rurale, la sécurisation foncière, la valorisation des savoirs locaux associés à l’innovation et la résilience climatique. La route est longue, mais pas impossible. Si les défis sont immenses, les opportunités le sont aussi. Il reste à espérer que l’agriculture haïtienne saura, avec le soutien nécessaire, devenir ce pilier durable dont le pays a cruellement besoin pour bâtir son avenir.