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Renouer avec nos racines : première journée de formation autour du Vodou avec Bilolo Kongo

Ce qui s’est passé dans les locaux de Bilolo Kongo ne relève ni du folklore, ni du mystère, ni de la simple curiosité. C’était une reconnexion. Une reprise de conscience. Une plongée profonde dans ce que nous sommes, et dans ce que l’histoire a tenté de nous faire oublier.

La première journée de formation autour du Vodou haïtien, tenue par Bilolo Kongo, a tenu toutes ses promesses. Dans une atmosphère vibrante, chargée d’énergies anciennes, les jeunes présents ont pu s’imprégner d’une vérité souvent refoulée : le Vodou n’est pas quelque chose qu’on intègre. Ce n’est pas un club, ni une église. C’est une mémoire vivante. « On n’entre pas dans le Vodou, disait-il. On est déjà Vodou. »

Avec une voix ferme et un verbe lucide, Bilolo a partagé un parcours intime, fait de rejet familial, d’incompréhension, de solitude, mais aussi d’éveil. Comme beaucoup, à ses débuts, il a été confronté à la peur de ses proches. Son propre frère avait commencé à s’éloigner. Parce qu’on nous a appris à rejeter ce que nous sommes. Parce qu’on nous a appris, dès le baptême, à renier nos ancêtres.

« Le Dieu que vous adorez n’existe que par votre propre volonté. Ce sont les morts qui dirigent les vivants », affirme-t-il. Pour lui, notre identité n’est pas seulement noire, elle est ancestrale. Nous ne sommes pas un seul être : nous sommes l’incarnation de plusieurs présences, de plusieurs lignées. Nous portons en nous l’empreinte de ceux qui sont venus avant. Et parfois, lorsqu’un lwa se manifeste en nous, ce n’est pas une surprise, c’est un héritage qui parle.

D’ailleurs, deux personnes durant la formation ont vécu une montée spirituelle, un moment de vibration intense. Preuve que les mémoires sont encore vivantes, qu’elles attendent d’être entendues.

Bilolo a aussi transmis les fondements spirituels du Vodou : l’eau, le café, le kleren. Trois éléments essentiels. L’eau pour rafraîchir les âmes, pour nourrir les morts. Le café pour honorer les ancêtres qui travaillaient aux champs à l’aube. Le kleren, pour réveiller la mémoire de ceux qui ont souffert, mais qui sont restés debout. Ces gestes, que beaucoup voient comme des rituels sans sens, sont en réalité des actes d’amour, de transmission, de dignité.

Loin des clichés diabolisants, la formation a permis de briser les chaînes invisibles. « Vous n’êtes pas un corps, vous êtes des âmes », rappelait Bilolo. Et les âmes ont besoin d’eau. De nature. D’histoires. D’alignement avec les forces du cosmos. Une phrase a marqué les esprits : « Voudou se zam lanati bay ak pèp ki opprime ». Le Vodou est l’arme que la nature a donnée aux peuples opprimés.

Dans cet esprit, Bilolo a proposé une méthode simple mais puissante pour entamer le chemin de la connaissance de soi. Il a expliqué que pour se reconnecter à son être profond, il fallait commencer par un simple oreiller. Un oreiller neuf, consacré à soi-même. Un objet qui ne doit appartenir qu’à vous. Glissez-y une poignée de basilic et quelques gouttes de Florida . Présentez-le au cosmos en formulant une intention claire : « Je veux me connaître ». Car la première clé de tout voyage spirituel, c’est la connaissance de soi.

Enfin, il a soulevé des vérités dérangeantes : comment le figuier, symbole ancestral de dignité (qu’Adam et Ève utilisèrent pour couvrir leur nudité), a été presque éradiqué. Comme si on cherchait à nous effacer, à déraciner notre mémoire. Car détruire un peuple commence toujours par l’effacement de son histoire.

La journée ne fut pas simplement une formation. C’était une re-sacralisation. Un acte de résistance douce, mais puissante. Une invitation à cesser de se voir avec les yeux des autres, et à regarder en soi, là où dorment les tambours, les mots sacrés, les chants oubliés.

Et si l’avenir d’Haïti résidait dans cette mémoire que l’on pensait perdue, mais qui vibre encore, silencieuse, dans nos veines ?

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