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Tour d’horizon sur La Vilokan

Située entre Port-de-Paix et Saint-Louis du Nord, non loin de la route menant à Anse-à-Foleur et au sanctuaire de Ti Sainte-Anne, La Vilokan (dans son orthographe mystique) demeure l’un des hauts lieux spirituels et culturels les plus fascinants d’Haïti. À la fois temple, forêt sacrée et espace de mémoire, elle incarne un patrimoine qui lie la terre d’Haïti à l’Afrique ancestrale, tout en s’inscrivant dans une tradition mystique universelle.

Établie entre deux rivières — la rivière des Nègres et la rivière La Caïlle — La Vilokan est comparée à la Mésopotamie, berceau des civilisations, arrosée par le Tigre et l’Euphrate. Ces cours d’eau, dit-on, ne débordent jamais, par respect pour la sérénité du lieu. L’eau de la rivière La Caïlle, d’ailleurs, aurait servi à la construction de la Citadelle Laferrière. Le terme « Kan » en langue fon signifie ombilic. Ainsi, La Vilokan se présente comme un cordon ombilical reliant Haïti à l’Afrique Ginen, terre des ancêtres et source de la spiritualité vodou.

La Vilokan est connue sous plusieurs noms évocateurs : La Douceur, La Belle Fraîcheur, La Forêt sacrée du Bénin, Nan Gran Kay, ou encore la Mecque d’Haïti. Le site se trouve sur l’habitation La Douceur, une ancienne propriété familiale transmise par Legrand Dauphin, ancêtre des Dauphin de la région. Un proverbe de Port-de-Paix garde d’ailleurs la mémoire de cette lignée : « Bat Chen Legrand tann Dajeanson », une maxime qui rappelle que toute injustice appelle réparation au sein de la famille.

Contrairement à l’imaginaire populaire, le temple de La Vilokan n’est pas un édifice fastueux. Selon Me Jérôme Mazard, il s’agit d’une construction modeste en tôle, composée de plusieurs compartiments : le parvis, la loge, le lieu saint et le lieu trois fois saint. Derrière des rideaux superposés, gardés par le grand prêtre (Déka), se trouverait la fameuse Pierre philosophale, symbole universel de transformation et de connaissance cachée.

Le Déka, grand prêtre de La Vilokan, est l’héritier d’un esclave africain du même nom. Fuyant son maître après un acte de révolte, il trouva refuge à La Douceur où, guidé par Papa Legba, il enfouit des objets sacrés transmis par des prêtres d’Afrique. Cet acte fondateur fit de La Vilokan le premier village africain en Amérique, un lieu où fut célébrée la première cérémonie vodou dédiée à Papa Legba. Depuis, chaque Déka incarne la continuité de cette mission spirituelle. Le dernier en date se nommait Varisse.

L’histoire d’Haïti est intimement liée à La Vilokan. Des esclaves venaient y consulter avant de se lancer dans des révoltes. Le général Capoix-La-Mort y puisa sa force avant la bataille de Vertières en 1803. Henri Christophe fit transporter l’eau de La Caïlle pour ériger sa Citadelle. Ainsi, La Vilokan n’est pas seulement un temple : c’est un haut lieu de résistance, de préparation spirituelle et de mémoire collective.

Plus qu’un site vodou, La Vilokan représente une cité sacrée universelle, comparable à Jérusalem, La Mecque ou encore les forêts initiatiques d’Afrique. Elle relie l’histoire d’Haïti aux mythes de l’Atlantide et à l’héritage africain. Aujourd’hui, intellectuels, chercheurs et dignitaires plaident pour son classement au patrimoine culturel mondial, afin de préserver et reconnaître sa valeur inestimable.

La Vilokan est bien plus qu’un sanctuaire : c’est un carrefour de l’histoire, du mysticisme et de l’identité haïtienne. Lieu d’ancrage, de transmission et de résistance, elle rappelle qu’Haïti ne se réduit pas à ses difficultés actuelles, mais porte en elle une mémoire et une spiritualité capables d’inspirer le monde entier.RéagirRépondre

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