Dans un monde où l’on jure par les algorithmes, les big data et les intelligences artificielles, une autre forme de savoir continue de défier la logique des machines : le vodou, et plus précisément, l’intelligence collective des esprits. Et si, à bien des égards, les loas pensaient mieux que Google ?
Avant que les géants de la Silicon Valley ne mettent au point des moteurs de recherche ultra-puissants, les sociétés traditionnelles disposaient déjà de systèmes d’interrogation de l’invisible. Le vodou haïtien, bien plus qu’une religion, fonctionne comme un réseau décentralisé de connaissances, où chaque esprit est une base de données vivante, accumulée par l’histoire, les traumatismes, les luttes, et les intuitions collectives.
Dans une cérémonie Vodou, quand le houngan ou la « manbo » invoque un loa, il ne s’agit pas d’un simple rituel folklorique. C’est un acte d’interrogation du réel, une forme d’open source mystique où les esprits répondent, analysent, interprètent et parfois prédisent. Qui d’autre peut faire ça, sans connexion internet ?
Google donne des résultats. Les loas donnent des signes. Google classe les pages. Le vodou classe les âmes. L’intelligence artificielle compile ce que les hommes ont déjà dit. L’intelligence des esprits, elle, touche à ce que l’homme n’ose même pas formuler.
Certains diront que les esprits parlent par métaphore, que les possessions ne sont qu’émotion et que les danses ne produisent rien de concret. Pourtant, dans un monde de plus en plus opaque, où les vérités sont dissimulées sous des couches de communication numérique, le vodou continue d’offrir des clés symboliques pour interpréter le chaos.
Prenons un exemple : en pleine épidémie, alors que les experts se contredisent et que les informations circulent à toute vitesse sans véritable clarté, les communautés vodou consultent leurs loas. Et ce qu’ils obtiennent, ce ne sont pas des « faits », mais des orientations, des présences, des alertes intuitives. Loin de la froideur statistique, on assiste à une forme d’intelligence chaude, organique, communautaire.
Les sociétés modernes idolâtrent la donnée brute. Mais dans le vodou, l’intelligence est relationnelle : elle naît dans l’interaction entre les vivants, les morts, les ancêtres et les forces invisibles. Google a ses serveurs ; le vodou a ses autels.
L’intelligence collective des esprits n’est pas calculable. Elle se transmet par les corps, les rêves, les intuitions, les transes. Elle se méfie de la ligne droite et préfère les détours du symbole, du mythe, du chant. Ce que le vodou nous rappelle, c’est que la pensée n’est pas que logique, elle est aussi rituelle, affective, sensorielle.
Et peut-être est-ce là sa force : dans un monde saturé d’informations, le vodou ne cherche pas tout à savoir, mais tout à sentir, interpréter, relier. Il nous invite à reconnaître que l’intelligence la plus puissante n’est pas toujours celle qui répond vite, mais celle qui relie profondément.
Alors, quand les loas parlent, peut-être faudrait-il écouter. Non pas pour fuir la technologie, mais pour rappeler à Google et ses semblables que l’intelligence ne se limite pas à la rapidité d’un clic, mais à la profondeur d’un lien.
Les esprits, eux, n’ont peut-être pas de cloud. Mais ils ont la mémoire du monde.RéagirRépondre