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Le secteur du pressing en Haïti tue lentement le milieu écologique.

Les petites entreprises de blanchisserie et de pressing en Haïti, ont recours au charbon ou au bois sec pour produire de la vapeur nécessaire pour faire marcher les machines à pressing. Coincés dans les méthodes rudimentaires, du moins, par faute de moyens économiques, les propriétaires  achètent du bois sec et/ou vert partout pour alimenter leurs fours. Cette démarche allégée et bénéfique est plutôt perçue, par plus d’un, comme un facteur de destruction des espaces forestiers haïtiens. D’aucuns vont jusqu’à croire que la coupe démesurée des arbres en Haïti pour répondre aux besoins de certaines activités de l’économie haïtienne, notamment le pressing, pourrait tuer lentement notre environnement.

Les maisons de blanchisserie et/ou de pressing sont omniprésentes en Haïti, notamment à Port-au-Prince, où cette filière économique semble générer des profits non négligeables. De jeunes entrepreneurs manifestent un intérêt croissant pour ce secteur. Cela est dû vraisemblablement à plusieurs facteurs : la rareté de l’électricité dans de nombreuses parties de la capitale, l’absence d’alimentation électrique dans de nombreux foyers, etc. En somme, il y a une demande criante pour le repassage ou le lavage immédiat de lingeries domestiques.

Cependant, bon nombre de maisons de blanchisserie et de pressing identifiées à Port-au-Prince, en particulier, utilisent du bois vert ou sec pour alimenter leur foyer de production. Elles en achètent partout : branches et troncs d’arbres, et les transportent jusqu’à l’entreprise.

Les entreprises de pressing génèrent en effet des revenus considérables. Celles, alimentées au propane et bien équipées, sont mieux facturées et rémunérées, révèle une source travaillant dans le secteur.  Pour les pressings de moindre envergure, les tarifs varient entre 75 à 100 gourdes pour une chemise, 400 gourdes pour un costume et 700 gourdes pour un costume complet, selon une grille présentée par un propriétaire de pressing, dont la prise d’image nous a été interdite.

Smith est journaliste et patron d’une entreprise de pressing. Il y travaille depuis plusieurs années. Le jeune entrepreneur avait son entreprise logée au centre-ville de Port-au-Prince. Auparavant, tout se passait plutôt bien jusqu’à ce qu’il soit, en raison de l’insécurité, contraint de déménager a Ouanaminthe. Là-bas, l’affaire fonctionne bien, constate-t-il. « J’évolue progressivement dans ce secteur et j’en tire profit malgré que le central de Loyauté Dry Cleaning ne soit pas situé au centre-ville ». 

Les affaires fructueuses à la capitale ne suscitent guère l’intérêt de l’entrepreneur. Au contraire, Smith dit avoir tout mis en œuvre pour générer du profit important à Ouanaminthe. « Le profit est venu de manière stratégique et reflète l’image réelle de la standardisation des services de presse de laverie y compris l’ensemble des techniques de commercialisation/marketing de marque et des démarches administratives utilisées.  Le profit découle également du système mis en place, car notre système (à base de propane) est tout nouveau au sein de la communauté».

L’usage des bois: l’alternative ultime de pressing en Haïti.

Pour alimenter leur foyer, certains pressings font usage de bois sec ou vert provenant des forêts naturelles. Les propriétaires achètent partout des arbres de diverses espèces (acajou, avocatier, manguier, bayarones, eucalyptus, etc.), les transportant jusqu’à leur entreprise. Lors d’une visite dans un dépôt de bois à Pétion-Ville, dans un pressing, On a constaté la présence  d’une quantité importante de gros troncs et de branches écorcées et de grosses racines  pouvant être utilisés sur une période d’environ 15 jours, selon le propriétaire.

Un vendeur de bois vert rencontré à cet effet, a avoué avoir vendu des arbres destinés à la combustion dans de telles entreprises. Les arbres sont vendus en fonction de leur taille, leur hauteur et leur espèce.
«Tout bwa pa gen menm pri. Gen pye bwa ki koute plis, genyen ki koute mwens. Yon kajou pa gen menm pri ak yon palmis. Menm jan tou, bayawonn pa koute menm pri ak anpil lòt pye bwa. Gen pye bwa ki nan 4000 goud, gen lòt ki koute jiska 6000 ak 7000 goud», révèle le propriétaire d’une habitation.

La coupe anarchique des arbres nuit gravement à l’écosystème haïtien. La couverture forestière n’est plus protégée. La journaliste écologiste Lovelie Stanley Numa, consciente de l’enjeu, appelle les citoyens à mettre fin à cette pratique. « L’abattage des arbres pour ériger des barricades ou pour alimenter des sources de chaleur, représente une perte considérable de ressources naturelles précieuses. Car, les arbres jouent un rôle crucial dans l’absorption du carbone, la purification de l’air et la régulation du climat. Leur destruction arbitraire affecte   l’équilibre écologique et fragilise davantage l’environnement déjà menacé en Haïti», souligne Lovelie.

La coordonnatrice du Collectif des journalistes haïtiens engagés pour l’environnement en appelle à la responsabilité de tous les citoyens et citoyennes en particulier, ceux qui utilisent les arbres  à des fins économiques où personnelles, ainsi que les organisateurs et les manifestants de privilégier des modes d’expression pacifiques et respectueux de l’environnement.

Pour sa part, Smith a décidé dès le lancement de son entreprise, d’opter pour l’utilisation du gaz propane. Selon lui l’utilisation du gaz permet non seulement de se protéger, mais aussi de protéger l’environnement.
«Je suis un amoureux de la nature qui contribue à son épanouissement en plantant des arbres. En tant que propriétaire averti, j’investis dans un projet qui soutient l’écologie. Ainsi je peux affirmer que Loyauté DRY Cleaning est une nouvelle version de pressing équipée d’un système fonctionnant au propane qui n’a aucun impact négatif sur l’environnement», se vante-t-il.

Outre les arbres qui sont les premières victimes de cette filière d’activité, les hommes exposés devant les fourneaux, font face assez souvent à certaines complications de santé. Selon Kirk R. Smith, professeur de sciences de l’hygiène de l’environnement à l’Université de Californie, Berkeley, Etats-Unis, dans une étude réalisée sur l’impact de la combustion de bois sur la santé  dans les pays en développement, depuis la moitié des années 80, et plus fréquemment depuis la moitié des années 90, plusieurs douzaines d’études épidémiologiques publiées ont examiné une série d’effets sur la santé de la pollution atmosphérique intérieure due aux combustibles solides.https://www.fao.org/3/a0789f/a0789f09.htm


Selon le professeur, les biocombustibles peuvent causer des infections aiguës des voies respiratoires inférieures (pneumonie) chez les enfants en bas âge, principaux responsables de la mortalité infantile mondial et maladie causant la plus grande perte d’années de vie du monde; une maladie respiratoire obstructive chronique, comme la bronchite chronique et l’emphysème, chez les femmes adultes qui ont cuisiné de nombreuses années sur des fourneaux à combustible solide sans ventilation.

Jonathan (nom d’emprunt), patron de pressing interrogé à ce sujet, se montre conscient du danger sanitaire qui accompagne la combustion outrancière de bois en milieu fermé. Cependant, avoue-t-il, faute de moyens adéquats et de financement, l’entreprise est obligée d’acheter du bois comme source d’énergie. «Lè gen gwo kòb, n a fè gwo bagay », lâche Nathan.

Faire du pressing en Haïti requiert de nombreuses ressources tant matérielles qu’humaines. Outre les équipements modernes utilisés aujourd’hui, l’utilisation de propane ou d’autres sources d’énergie nécessitent un financement considérable, reconnaissent certains propriétaires d’entreprises. Nocive pour la santé, l’émission de gaz provenant de la combustion de combustibles solides, aura des répercussions négatives sur tout  l’environnement. A cela, s’ajoute la coupe et le trafic effréné des arbres. Des spécialistes en écologie suggèrent l’exploitation d’arbres renouvelables pour remédier à la situation.

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