Les ouragans : colère des loas ?

 Les ouragans : colère des loas ?

Chaque année, quand la mer se déchaîne et que les vents arrachent les toits, la même question traverse l’esprit de beaucoup d’Haïtiens : et si ces ouragans n’étaient pas seulement des phénomènes naturels ? Et s’ils étaient la colère des loas ?

Les météorologues parlent de pressions atmosphériques, de zones dépressionnaires, de vents cycloniques. Tout est mesurable, prévisible, expliqué. Pourtant, dans les campagnes, dans les mornes, dans les esprits, une autre explication subsiste : celle des forces invisibles.
Dans la tradition vodou, rien n’arrive sans raison. Les esprits, qu’ils soient bienveillants ou irrités, sont perçus comme des acteurs du monde. Quand la terre tremble, quand la mer se fâche, quand les vents rugissent, certains y voient un message, une réprimande du monde spirituel.

Dans le panthéon vodou, plusieurs loas sont liés aux éléments. Agwe, maître des mers, peut se réjouir ou s’indigner du comportement des humains envers la mer et ses créatures. Simbi, esprit des eaux, commande les rivières et les pluies. Ogou Feray, loa du fer et de la guerre, symbolise la force brute, le choc et la tempête. Quand ces forces s’unissent, dit-on, la nature reprend ses droits, parfois violemment.

Penser les ouragans comme la « colère des loas » ne relève pas d’une naïveté populaire, mais d’une lecture symbolique du monde. C’est une manière de donner du sens à la catastrophe, de rappeler que l’humain n’est pas maître absolu de la nature.
Dans un pays où les déséquilibres écologiques, la déforestation et la pauvreté amplifient les effets des cyclones, la colère des loas devient métaphore morale : celle d’un peuple qui sait que la nature se venge quand on la trahit.

Les Haïtiens ne rejettent pas la science ; ils la traduisent dans leur langage spirituel. Le radar et le tambour racontent la même chose, mais différemment : que l’équilibre du monde est fragile, que la terre, la mer et le ciel doivent être respectés.
Ainsi, les ouragans ne sont peut-être pas seulement des caprices climatiques. Ils sont, dans la conscience haïtienne, des rappels puissants : ceux d’un peuple en dialogue constant avec le visible et l’invisible.