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Capois-la-Mort : un modèle qui manque cruellement aujourd’hui en Haïti

La figure de François Capois, plus connu sous le nom de Capois-la-Mort, traverse l’histoire haïtienne comme un éclair. Son geste héroïque à Vertières, le 18 novembre 1803, où il avance sous la mitraille malgré la perte de son cheval et les balles sifflantes, fait de lui une icône absolue du courage. Pourtant, si son nom résonne encore, son exemple semble de moins en moins nourrir notre présent.

Capois-la-Mort incarnait un courage qui dépassait le simple héroïsme physique. Il n’était ni un surhomme ni un privilégié. Ce qui le distinguait, c’était une lucidité rare : comprendre que la survie d’Haïti dépendait de la capacité à affronter l’impossible. Son sens du devoir dépassait ses intérêts personnels, et sa témérité n’était jamais gratuite. Son héritage devrait être une boussole, pas un simple récit figé dans les manuels scolaires.

Dire qu’Haïti manque de Capois-la-Mort est juste, mais insuffisant. Capois n’a jamais été un héros isolé. Il appartenait à une armée organisée, animée par une cause claire : l’indépendance. Aujourd’hui, Haïti semble privée de cette cause commune, sans institutions solides, sans leadership crédible, ni volonté collective. Même un Capois ressuscité se heurterait à un mur d’indifférence, de division et de renoncement.

Ce qui manque réellement, ce n’est pas un homme d’exception, mais un environnement propice à faire émerger de telles figures. Nous avons perdu la discipline collective, le sens du sacrifice, la vision à long terme et la responsabilité civique qui rendaient possible un Capois-la-Mort. Les exigences nationales ont été remplacées par des ambitions personnelles ; les pratiques républicaines, par des réflexes de survie individuelle.

L’héritage de Capois-la-Mort nous rappelle une vérité difficile : aucune nation ne se construit sans effort soutenu, sans prise de risque, sans douleur acceptée. Capois symbolise cette part ardue du patriotisme : se lever quand tout pousse à rester assis, dire non quand il serait plus simple de céder, accepter de risquer sa vie pour l’avenir collectif plutôt que pour un intérêt personnel.

Ce que nous devons retenir de Capois-la-Mort n’est pas une admiration passive, mais une exigence active. Il est temps de sortir nos héros des vitrines pour en faire des références vivantes. Cela implique de dépasser les glorifications vides, de réinventer le civisme, d’exiger du courage politique chez nos dirigeants et de former une jeunesse prête à affronter la réalité plutôt que la fuir.

Capois-la-Mort n’était pas un miracle. Il était le produit de son époque, de son combat, de sa conviction. Si son modèle nous fait défaut aujourd’hui, c’est moins parce que nous manquons de héros que parce que nous ne créons plus les conditions qui les feraient naître. Ce n’est pas la mémoire de Capois qui nous fait défaut, mais notre capacité à en tirer des leçons.

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Wislin Prévil

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